Les secrets des arts martiaux

Il est, parmis les légendes des arts martiaux et des arts en général, une idée fortement répandu et qui contribue à une mystification "négative" de ceux-ci : Il existerait des secrets, jalousement gardés par les maîtres pour n'être révélés qu'à certains disciples.
L'idée du "truc secret", du "petit plus" que personne ne doit savoir et qui n'est révélé qu'à certains élèves n'a pourtant aucun précédent dans l'histoire, si on l'examine plus en détail.

Si l'on prend comme exemple l'histoire d'un grand maître du passé, Li luoneng, cette mystification parrait alors bien dérisoire...







Représentation de Li luoneng







Li luoneng, très interessé par la pratique de l'art martial dès son plus jeune age, se serait rendu dans la province du Shanxi afin d'y rencontrer la famille Dai, dont il avait entendu parler. Il aurait fini par apprendre leur art, dont la transmission était pourtant réservé aux membres du clan uniquement. Certaines histoires le présentent comme un serviteur des Dai, qui aurait appris en épiant les pratiquants avant de devenir disciple de Dai longbang. Cette version nous parrait quelque peu romancé pour différentes raisons :

- Monsieur Li feifu, connu sous le pseudonyme de luoneng fut un commerçant et non un pauvre serviteur.

- La légende du "serviteur qui apprend en épiant son maître" est courante en Chine, on la retrouve, entre autre, dans l'histoire de la transmission du taijiquan des Chen à Yang luchan, autre méconnaissance historique.






Représentation de Dai longbang






Li Luoneng est pratiquement toujours cité comme un disciple direct de Dai Longbang. Sun Lutang, dans son ouvrage intitulé « Véritable description du sens de la boxe », nous expose sa version de l’apprentissage de Li Luoneng :

« Monsieur Li Feifu, connu sous les nom de Nengran et de Luoneng, se rendit à Taigu, province du Shanxi, pour affaires. Il était passionné par l’art martial. A Taigu, il entendit parler de Dai Longbang, qui excellait dans l’art du Xingyiquan, et décida de lui rendre visite. Lorsque la rencontre eu lieu, Li fut surpris par les bonnes manières, très raffinées, de Dai. Ce qu’il ne comprenait pas venant d’une personne censée exceller dans l’art martial. Il décida alors de s’en aller. Ce n’est que plus tard que Li Luoneng devint disciple de Dai Longbang, après une cérémonie officielle d’acceptation. »

Les pratiquants actuels de la province du Shanxi considèrent Dai Wenxun, le second fils de Dai Longbang (Dai Erlü), comme le maître véritable de Li Luoneng. Cette version de l’histoire, plus envisageable d’un point de vue chronologique (Dai longbang serait mort en 1802 et Li luoneng serait né en 1803 !), nous est confirmé de manière écrite par le texte figurant sur la stèle funéraire du maître Che Yizhai, disciple de Li Luoneng ( Cette stèle est toujours visible dans la ville de Taigu, province du Shanxi) :

« L’art martial est l’art majeure de la Chine et se divise en école interne, externe et de Shaolin. Cet art fut florissant dans notre province sous les règnes des empereurs Xianfeng (1851 – 1861) et Tongzhi (1862 – 1874). Il était pratiqué par les disciples de Wang Changle et Dai Wenxun…Monsieur Dai, surnommé Er Lü, était du comté de Qi. Le Xinyi de la famille Dai, transmis au sein du clan Dai, appartient à la branche externe de Shaolin et fut transmis à l’extérieur de la famille à Li Luoneng. »




Stèle du tombeau de Che yizhai à Taigu






Sous ce nouveau regard, nous pouvons mettre en valeur deux informations essentielles :

- L'art fabuleux de Dai longbang ne fut pas transmis de manière directe à Li luoneng mais via l'intermédiaire de son second fils, dont le nom n'est pourtant pas resté dans l'histoire.
- Li luoneng n'a certainement pas épié les secrets de la famille Dai. Il a simplement reçu un enseignement de celle-ci et s'en est servi pour créer son école : le Xingyiquan.


En yiquan, on entend souvent que le zhanzhuanggong fut tenu secret pendant des générations. Alors que la posture Santishi du Xingyiquan et de "se tenir comme un singe" du Xinyiliuhequan ont toujours fait partie de l'enseignement classique...

Les postures jijizhuang n'étant bien qu'une version légèrement modifiée de santishi quand à la répartition des forces corporelles.




Yu hongkun, disciple de Wang xuanjie, dans la classique posture jijizhuang "d'écarter les nuages", très similaire à la posture santishi du xingyiquan






Pour être plus concis, nous affirmerons simplement que "le seul secret des arts martiaux est qu'il n'y a aucun secret".

Cette révélation étant le thème principal du dernier film d'animation de Dreamworks (Kungfu Panda, http://www.kungfupanda.fr/ ), même le néophyte de moins de 10 ans connait désormais cette vérité...


S'exprimant en d'autres termes, plus durs à l'égard du pratiquant mais tellement vrai, un célèbre maître de l'école Yongchunquan à Taiwan disait :

"Le seul secret des arts martiaux, c'est qu'il faut travailler dur. Ceux qui affirment détenir un secret qui leur a été enseigné en porte fermée sont des escrocs qui veulent soutirer de l'argent à leurs élèves ! "


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